Gouffre des Essarlottes

par Fred Martin

 

 

COMPTE RENDUS DES PLONGEES A L’AVAL DES ESSARLOTTES
2002-2009

La plongée du siphon aval n’est pas chose facile. Tout d’abord du fait bien sur que cela soit un aval et donc le chemin relativement plus dur à découvrir si l’eau est touillée, d’autre part par le fait que les 50 derniers mètres de rivière sont creusés dans l’argile qu’il est difficile d’éviter. De plus, la plongée de ce siphon ne peut s’entreprendre que si les niveaux sont bas, côtes atteintes durant 2 périodes de durées variables aux étiages d’été et d’hiver.
 C’est avec une équipe réduite constituée par le Groupe Spéléologique du Doubs qu’au mois de février 2002 nous réalisons le portage utile à la plongée. Les conditions sont bonnes, il y a très peu d’eau. Dans la vasque, j’essaie de ne pas trop soulever de glaise déléguant à Jean-Pierre Villegas la tâche de réaliser le premier point d’encrage du fil d’Ariane, mais c’est peine perdue, je pars donc en aveugle dans le siphon. La situation ne s’arrange pas lorsque mon bobinot se bloque au bout de 10 mètres, impossible de réparer sous l’eau je ne vois rien et mes petits doigts gantés ne détectent rien d’anormal. Je n’ai pas le choix je dois refaire surface. C’est Jean Pierre qui calmement résous le problème et m’explique la situation, une de mes flasques est cassée et empêche la bobine de se dérouler correctement. Le portage dans les Essarlottes a laissé des traces sur le matos, je fais une nouvelle tentative et me trouve dans la même situation au bout de 20 mètres, je commence à rager, et à force de me débattre dans cette glaise j’ai totalement troublé la galerie, je n’y vois plus rien du tout, je me résous à faire surface à nouveau. Même problème, même remède. Etant une personne têtue je m’obstine et repars à nouveau, à chaque aller retour l’eau se trouble un peu plus et mes blocs de 4 litres se vident lentement. Au bout de 30 mètres je suis encore confronté à ce bobinot récalcitrant, je rembobine sur 10 mètres et attache mon fil à un bloc trouvé à tâtons. Je ne garantis pas la fiabilité de cet amarrage fait totalement en aveugle mais pour aujourd’hui cela semble suffisant. Une fois sortie de l’eau je prends nerveusement ma vengeance sur la bobine, au moins, je ne l’utiliserai plus. Je n’aurai parcourus qu’une trentaine de mètres pour une profondeur de 10 mètres, cela enlève au moins l’idée que ce siphon puisse être une voûte mouillante à la portée des dynamiteros. Une fois de plus je me dis qu’il va falloir que je revienne en utilisant sûrement une autre technique pour entrer et progresser dans ce siphon boueux.
Nous voici à l’été 2009,
J’avais laissé le siphon aval des Essarlottes de côté dans mes projets depuis que les copains du GSD aient entrepris la désobstruction de la Voie aux vaches, une cavité supposée jonctionner avec le réseau aux abords de la salle Victor.
Une fois cette désobstruction réalisée, le siphon aval devenait moins éloigné et le portage moins fastidieux qu’en passant par la perte historique, la voie aux vaches étant constituée par une série de puits sans obstacle majeur à la différence de la perte des Essarlottes où le portage du matériel de plongée pouvait faire fuir les camarades porteurs.
Le samedi 4 juillet 2009, les conditions semblaient réunies pour entrevoir une nouvelle plongée dans l’aval. Cependant, nous ne devions pas nous « endormir » sous terre, les orages étant prévus pour le milieu d’après midi vers 16h00.
L’équipe assez conséquente (Jean-Pierre Villegas ; Ludovic Lhomme (club des nyctalopithèques); Vincent Franzi ; Romain Lepage; Adam Rozanski et Stéphane Guignard (nyctalo)) se retrouve donc de bon matin devant l’entrée de la Voie aux vaches. Après le rééquipement par Vincent et Romain de l’entrée qui a subit quelques éboulements depuis cet hiver, la descente se déroule sans encombre,  hormis le robinet d’un bloc qui s’ouvre et malgré un bouchon laisse échapper 1/3 de la réserve d’air. Avançant à bon rythme nous arrivons rapidement devant la voûte à 80 m du siphon, c’est ici que j’endosse ma tenue de plongeur et parcours seul ce cheminement jusqu’au siphon terminal à la côte -147m afin d’éviter de touiller l’eau.
A partir de là, il ne me faut pas trainer, car dans cet aval, la touille me dépasse rapidement. Mon fil a tenu bon aux crues, j’arrive à son terminus et raboute mon dévidoir dans cette ambiance je finis les nœuds en aveugle. Ne perdant pas de temps je me lance dans la galerie qui continue à descendre régulièrement pour atteindre la profondeur maximale de -12m. La galerie est spacieuse et ne m’oppose pas de grandes difficultés si c e n’est des dépôts argileux omni présents et une eau froide. Autant que je puisse en apercevoir le profil, les parois de ce siphon sont identiques à celles de la galerie qui le précédent. Je déroule ainsi 80m et m’arrête dans un changement de direction marqué, je commence à avoir froid et j’ai prévu de faire la topographie au retour.
C’est ce que je ferai malgré le froid. Arrivé à ma jonction de fil l’eau est plus claire et j’en profite donc pour rendre cet amarrage encore plus solide.
Le siphon terminal à l’aval des Essarlottes flirte donc avec les 100m pour une profondeur maxi de 12 mètres. A mon terminus la profondeur est de l’ordre de 9m. Nous avons donc confirmation à présent que ce siphon n’est pas une simple voûte et qu’il se présente véritablement comme un verrou liquide. Cependant, la dénivelée conjuguée à la distance nous séparant de la source du Lison laisse supposer une suite en galerie sèche. L’histoire n’est donc pas finie.
Le retour se passe sans problème si ce n’est qu’au même endroit qu’à la descente, les 2 blocs s’ouvrent à nouveau. Nous laissons Vincent et Romain à l’escalade juste devant le siphon aval, ils pourront voir les débits du collecteur tripler car dehors il s’est mis à pleuvoir. Il est 16h00 nous sortons !!!!